Hopper, Ryder's house, 1933. |
Je songe à la désolation de l'hiver
Aux longues journées de solitude
Dans la maison morte —
Car la maison meurt où rien n'est ouvert —
Dans la maison close, cernée de forêts
Forêts noires pleines
De vent dur
Dans la maison pressée de froid
Dans la désolation de l'hiver qui dure
Seul à conserver un petit feu dans le grand âtre
L'alimentant de branches sèches
Petit à petit
Que cela dure
Pour empêcher la mort totale du feu
Seul avec l'ennui qui ne peut plus sortir
Qu'on enferme avec soi
Et qui se propage dans la chambre
Comme la fumée d'un mauvais âtre
Qui tire mal vers en haut
Quand le vent s'abat sur le toit
Et rabroue la fumée dans la chambre
Jusqu'à ce qu'on étouffe dans la maison fermée
Seul avec l'ennui
Que secoue à peine la vaine épouvante
Qui nous prend tout à coup
Quand le froid casse les clous dans les planches
Et que le vent fait craquer la charpente
Les longues nuits à s'empêcher de geler
Puis au matin vient la lumière
Plus glaciale que la nuit.
Ainsi les longs mois à attendre
La fin de l'âpre hiver.
Je songe à la désolation de l'hiver
Seul
Dans une maison fermée.
(Hector de Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans
l’espace, 1937.