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Ivan Aivazovsky, Le Naufrage, 1883. |
Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l’or massif :
Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues ;
La Cyprine[1]
d’amour, cheveux épars, chairs nues,
S’étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène[2]
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d’or, dont les flancs diaphanes[3]
Révélaient des trésors que les marins profanes[4],
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputé.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu’est devenu mon cœur, navire déserté ?
Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du Rêve !…
Emile Nelligan, Poésies, 1904
[1] Cyprine : pierre de couleur bleue.
[2] Carène : partie d’un bateau immergée.
[3] Diaphane : qui laisse passer la lumière sans toutefois être transparent.
[4] Profane : qui n’est pas religieux.
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