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John Hafen, Girl Among the Hollyhocks, 1902. |
Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir
Comme après de longs ans
d’absence,
Que de s’en revenir
Par le chemin du souvenir
Fleuri de lys
d’innocence,
Au jardin de l’Enfance.
Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
D’où s’enfuirent les gaietés franches,
Notre jardin muet
Et la danse du menuet[1]
Qu’autrefois menaient
sous branches
Nos sœurs en robes blanches.
Aux soirs d’Avrils anciens, jetant des cris joyeux
Entremêlés de ritournelles,
Avec des lieds joyeux
Elles passaient, la
gloire aux yeux,
Sous le frisson des
tonnelles,
Comme en les villanelles[2].
Cependant que venaient, du fond de la villa,
Des accords de guitare
ancienne,
De la vieille villa,
Et qui faisaient deviner
là
Près d’une obscure
persienne,
Quelque musicienne.
Mais rien n’est plus amer que de penser aussi
À tant de choses
ruinées !
Ah ! de penser
aussi,
Lorsque nous revenons
ainsi
Par des sentes de fleurs
fanées,
À nos jeunes années.
Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,
Froissés, maltraités et
sans armes,
Moroses et vieillis,
Et que, surnageant aux
oublis,
S’éternise avec ses
charmes
Notre jeunesse en larmes !
Emile Nelligan, Poésies, 1904.
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