Les mouvements baroque (fin XVIe – XVIIe en France) et classique qui s’élaborent et se confrontent tout au long du XVIIe semblent particulièrement antithétiques, tants leurs principes esthétiques semblent opposés et pourtant les grands artistes du XVIIe siècle (Corneille, La Fontaine, Molière) subissent leur double influence, sans que l’unité de leur œuvre ait à en souffrir.
Le mot baroque renvoie à la bizarrerie, à l’excentricité son origine est portugaise, le mot barocco renvoyant à une perle de forme « irrégulière ». Le mot baroque sera utilisé à partir de la fin du XIXe siècle pour désigner cette forme d’art qui, par opposition au classicisme, donnait la primauté au sentiment et à la démesure.
Les grandes découvertes, la fin des illusions qu’avait pu entretenir le « géocentrisme », un contexte d’épidémies et de guerres font naître un pessimisme foncier. Les poètes constatent l’impermanence de la vie et du monde, l’omniprésence de la mort.
Jean de Sponde (1557-1595) est l’un des premiers à s’inscrire dans cette nouvelle esthétique aux accents angoissés et fatalistes (p. x) qui tranchent sur les variations souriantes ou doucement mélancoliques de la Pléiade.
Jean-Baptiste Chassignet (1571-1635), Pierre de Marbeuf (1596-1645) et même Malherbe (l’une des références du classicisme) constatent la vanité de l’existence humaine, le caractère périssable de toute chose pour en arriver à la conclusion que, dans cette existence fugace qu’est celle de l’homme, il n’existe qu’une seule certitude : celle de l’impermanence des êtres et des choses.
Si les poètes baroques se réfèrent à l’antiquité, c’est à celle d’Ovide et de ses Métamorphoses qui leur offrent tout un réseau d’images et de mythes susceptible de traduire la mouvance de l’existence mais aussi les nuances du sentiment amoureux que l’on décline sous toutes ses formes.
Dans cet univers inconstant, la femme aimée redevient un point de repère et l’objet de toutes les attentions, le discours amoureux influencé par les romans pastoraux d’Honoré d’Urfé et de Mme de Scudéry se fait précieux. L’amante dotée de surnoms recherchés (Amaranthe, Calliste, Phillis, ) est célébrée avec esprit et parfois même un peu d’affectation et d’excès dans les œuvres de Théophile de Viau (1590-1626) et Vincent Voiture (1597-1648). Le poète ne va-t-il pas jusqu’à suggérer, dans un sonnet culte (La belle matineuse) que beauté de la femme aimée supplante la lumière du jour naissant.
Les excès du baroque et de la préciosité devaient appeler une réaction : ce fut le classicisme. Le classicisme s’épanouit principalement sous le règne de Louis XIV, des théoriciens (Malherbe, Chapelain, Vaugelas, Boileau) se réfèrent à Aristote pour définir les principes du Beau qui repose sur deux piliers : équilibre et unité. L’équilibre doit gouverner la composition de l’œuvre – c’est à Malherbe par exemple, que l’on doit le principe de la césure à l’hémistiche; l’unité caractérisera plutôt sa tonalité.
Les principes d’équilibre et d’unité se fondent sur une représentation du monde et sur des principes radicalement opposés à ceux de l’esthétique baroque. A la mouvance et à l’impermanence, les classiques opposent la vision d’un monde achevé que la raison va pouvoir décrire.
Le classique, par son art, cherchera à atteindre l’universalité, à manifester les lois d’un univers qui manifeste la perfection divine.
Si le classicisme à durablement marqué son empreinte sur l’architecture, la peinture ou les arts dramatiques, il n’a que peu influencé la poésie lyrique.
Le grand poète du XVIIe siècle est La Fontaine qui s’illustre dans l’art de la fable. Malherbe qui servira de référence en matière de poétique abandonne peu à peu l’expression lyrique pour, devenu poète officiel, composer des œuvres de circonstances chantant les louanges des grands de son temps. Racine (1639-1699) qui en 1694 a depuis longtemps abandonné le théâtre rédige ses Cantiques spirituels destinés à être mis en musique, on y retrouve l’indéniable qualité de versificateur du dramaturge qui semble vouloir retrouver une foi authentique.
En un siècle où la représentation de l’universalité est devenue une finalité esthétique, l’expression du moi et de ses tourments semble s’effacer. Pascal avait jugé le moi « haïssable », les poètes semblent lui donner raison et le chant lyrique se met en sommeil, le siècle des Lumières toujours marqué par l’esthétique classique et tout occupé de promouvoir la raison ne laisse, lui aussi, que peu de place au lyrisme, il faudra attendre la révolution romantique pour le voir retrouver ses lettres de noblesse.
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