Waterhouse, Une Naïade, 1893. |
« Ecoute ! – Ecoute ! – C'est moi, c'est Ondine (1) qui frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin (2) qui nage dans le courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l'air.
Ecoute ! Ecoute !– Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! »
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l'époux d'une ondine , et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, 1842.
(1) Ondine : Héroïne d’une légende germanique. Fée des eaux, elle tombe amoureuse d’un chevalier qui mourra pour l’avoir trahie.
(2) ondine : employés comme noms propres, ondines et ondins sont des divinités des eaux.
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