Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme(1) en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard(2) de naufrage.
La mère de l'amour(3) eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre de Marbeuf, Recueil de vers, 1628.
(1) S’abîmer : se trouver précipité dans un abîme.
(2) Hasard : risque.
(3) La mère de l’amour : Vénus née de « l’écume de la mer ».
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