Quand l’air de la maison, les soucis du foyer,
Quand le bourdonnement de la ville insensée
Où toujours on entend quelque chose crier,
Quand tous ces mille soins (1) de misère ou de fête
Qui remplissent nos jours, cercle aride et borné,
Ont tenu trop longtemps, comme un joug (2) sur ma tête,
Le regard de mon âme à la terre tourné ;
Elle s’échappe enfin, va, marche, et dans la plaine
Prend le même sentier qu’elle prendra demain,
Qui l’égare au hasard et toujours la ramène,
Comme un coursier prudent qui connaît le chemin.
Elle court aux forêts où dans l’ombre indécise
Flottent tant de rayons, de murmures, de voix,
Trouve la rêverie au premier arbre assise,
Et toutes deux s’en vont ensemble dans les bois !
Victor Hugo, Les Feuilles d’automne, 1831.
(1) Soin : souci.
(2) Joug : pièce de bois, placé sur le col d’un animal de trait et auquel on attache un attelage, une charrue par exemple.
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