vendredi 20 août 2021

La poésie du XXe siècle

Les poètes du début du XXe siècle semblent hésiter entre tradition romantique et modernité. L’hermétisme symboliste et les audaces de Rimbaud ne trouvent pas d’écho chez des poètes comme Francis Jammes (1868-1938) ou Anna de Noailles (1876-1933) qui reviennent à des formes plus traditionnelles et utilisant un vers régulier mais puissamment évocateur. Chez ces poètes comme chez Victor Segalen (1878-1919) grand voyageur et théoricien d’un nouvel exotisme, la poésie est au service de l’expérience spirituelle, alors que Francis Jammes approfondit sa foi catholique, Segalen semble chercher dans les cultures Maori puis orientales une forme de transcendance universelle. Plus modestement, la comtesse de Noailles manifeste une forme de panthéisme, conjurant l’inquiétude de la mort par l’espoir que la nature conserve en elle le souvenir des êtres qui l’ont puissamment habitée. 
Apollinaire

La modernité poétique redevient une priorité avec les poètes de l’Esprit Nouveau dont Apollinaire (1880-1948) s’avère le représentant le plus marquant. Dans la lignée des futuristes, ils célèbrent le monde moderne et ses avancées technologiques. Apollinaire publie en 1913 un recueil qui marque une étape importante dans l’avènement de la poésie moderne, il s’agit d’Alcools. Le poète y célèbre l’amour, évoque avec nostalgie les légendes allemandes auxquelles on peine encore à croire mais surtout, il s’y livre à des audaces formelles marquantes, choisissant d’éliminer la ponctuation de déstructurer le sonnet (« Colchiques » ) ou de chanter le monde moderne par le biais de longs poème en vers libres comme « Zone ». Blessé au cours de la première guerre mondiale, le poète mourra de la grippe espagnole en 1918. Il laisse dans Les poèmes à Lou un témoignage plein de fantaisie sur son amour et sur les angoisses du soldat confronté à l’imminence de la mort. 
Les surréalistes sont présentés comme ayant réalisé la plus grande révolution poétique du XXe siècle : au lendemain de la première guerre mondiale, André Breton (1896-1966), le chef de file, Eluard (1895-1957) Aragon (1897-1982) estiment qu'il faut combattre les valeurs sur lesquelles s’était construit le monde qui a conduit au conflit mondial. L’influence de Freud, un médecin viennois qui vient de prouver l’existence de l’inconscient, la fascination pour certains mouvements artistiques contestataires comme le futurisme et le dadaïsme qui cherchent à saper les valeurs de la société bourgeoise vont conduire le groupe surréaliste à se manifester par la création de revues (Littérature puis La Révolution surréaliste) et par des opérations de communications provocatrices. La poésie surréaliste présente quelques réussite (Certaines pièces d"Eluard et d'Aragon) mais fait surtout preuve d'une grande vanité.
Les poètes du Grand Jeu
Dès les années 30 toutefois des voix divergentes se font entendre, les jeunes poètes du Grand Jeu, René Daumal (1908-1944), René Gilbert-Lecomte (1907-1943) refusent la main tendue de Breton qui voulait les accueillir. Ils reprochent au mouvement surréaliste sa superficialité et veulent se servir de la poésie comme d’un instrument de conquête. La poésie est une voie qui doit conduire à l’absolu, elle témoigne du cheminement du poète dans une métaphysique expérimentale qui doit lui permettre d’accéder à la vraie vie. Ainsi les poèmes de Daumal et de Gilbert-Lecomte sont-ils hantés par la représentation de la mort, un motif qui leur permet de représenter métaphoriquement les insuffisances de la vie ordinaire. 
Le mouvement surréaliste exerce néanmoins une empreinte durable sur les poètes du XXe siècle, les techniques faciles qu'il a utilisées, un hermétisme prétentieux ont peu à peu conduit la poésie dans une impasse
On constate toutefois que chez tous les véritables poètes du XXe siècle la poésie tend, comme chez les poètes du Grand Jeu, à occuper la place qui autrefois revenait à la religion. La poésie d’Oscar-Wadislas de Milocz (1877-1939) est une incursion dans la métaphysique, de même qu’elle a vocation dans les œuvres de Jaccottet, Bonnefoy ou Lydie Dattas à exprimer une démarche spirituelle dans un monde qui ne peut plus adhérer aux dogmes de la religion. 
La poésie lyrique reste donc une mode d’expression primordial tout au long du siècle, les poètes semblent désormais avoir intégré le mot d’ordre de Rimbaud : « le poète doit se faire voyant » et la démarche poétique se fait voie vers une transcendance. Plus que jamais le poète élargit les limites du moi sondant la part obscure de l’inconscient ou cherchant, par la quête poétique, à retrouver « le lien perdu » (Bonnefoy) avec l’univers.

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