Marcel-M.-M. Delamarre de Monchaux, Le Quai du Rosaire, (vers 1920). |
Les vitres tout à l’heure étaient pâles et nues.
Mais peu à peu le soir entra dans la maison ;
On y sent à présent le péril d’un poison.
C’est que les vitres, pour le soir, sont des cornues
Où se distille on ne sait quoi dans leur cristal ;
Le couchant y répand un or qui les colore ;
Et pour qu’enfin le crépuscule s’élabore,
L’ombre, comme pour un apprêt médicinal,
Semble y verser ses ténèbres, d’une fiole.
Dans les verres, teintés de ce qui souffre en eux,
Un nuage s’achève, un reflet s’étiole ;
Il en germe quelque chose de vénéneux,
Menaçant
la maison déjà presque endormie ;
Et c’est de plus en plus le nocturne élixir…
Ah ! les vitres et leur délétère chimie
Qui chaque soir ainsi me font un peu mourir !
Georges Rodenbach, Les Villes encloses, 1896.
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